À la tombée de la nuit -un soir printanier- Uunkhbat âgé de 45 ans, d’un œil avisé cherche un chevreau disparu durant la pâture du jour. Difficile de percevoir quoi que se soit à l’œil nu dans cette immensité. Il habite avec sa femme -Oyuntsetseg- à Bor nuruu dans la province de Bayankhongor, sur leur campement d’hiver. Au cœur d’un écosystème semi-désertique, fait de sable et de cailloux, à quatre kilomètres de la Vallée de Khavtsgait, surplombé par la montagne Bogd qui s’élève vers le ciel en toile de fond.
À cette période de l’année, mi mai, la saison des naissances vient d’avoir lieu. Comme me le fait remarquer Uunkhbat, le chevreau est peut être « caché derrière un arbuste ? » « Assoupi au pied d’une plante ? » ou alors « il a rejoint un troupeau voisin ». La connaissance, sans faille, de leur cheptel composé de 306 animaux, est admirable. Chaque animal est marqué d’une fameuse empreinte intergénérationnelle apposée à la naissance. Cependant, pour identifier un animal perdu, ils énoncent la couleur du pelage et son âge. Le savoir faire des éleveurs, leur écoute, leur observation minutieuse sont tels que rien ne leur échappe. Pour eux, être éleveur relève du destin, de la résilience et de l’adaptation, -« c’est l’habitude »- à un climat austère et contrasté. « Ashig ur shim », les bénéfices, dépendent uniquement du « climat, seul maître des lieux ». Leur plus grande tristesse émane de « la perte d’un grand nombre d’animaux qui survient lors des dzuds ».
À la suite de quelques coups de fils passés au voisinage, cette même soirée, le chevreau est visiblement retrouvé. Demain il sera l’heure de le récupérer. Être éleveur n’est pas un labeur, « c’est une fatalité ».